INDIA Extrait du tome 1: Immortelle Page 93.
Elle m’a adoptée, elle, la blanche, l’Anglaise… ma mère ; aussi blonde que je suis brune, moi l’Indienne.
Je ne me rappelle qu’elle, aussi loin que je remonte dans ma mémoire, je ne vois que ses yeux bleus penchés vers moi dans ce pays qui n’est pas le sien, elle, la déracinée, la colonisatrice, la bienfaitrice… ma mère. Que faisait-elle là, dans ce pays si loin de la froide Angleterre… ? Elle avait dû braver les siens, ses envies de voyages l’avaient poussée bien au-delà du convenable pour une femme seule de son rang. Mais ma mère avait du caractère, de la trempe, dirais-je. Elle savait parfaitement où elle allait et ce qu’elle voulait de la vie et… elle l’obtenait. Nous parlerions d’une maîtresse-femme, il fallait l’être pour vivre dans mon pays au milieu de ces colons imbus d’eux-mêmes, ces hommes qui se pensaient tellement supérieurs. Je voyais tout cela, petit à petit cet univers s’est dévoilé. J’étais si jeune alors, pourtant je sentais tous leurs jeux.
Je ne saurais me plaindre, elle a rendu ma vie si facile, si insouciante, si riche de découvertes et de plaisirs. Cette jeune fille superbe et cultivée que je suis devenue, je la lui dois. Je suis son unique enfant, sa joie, son œuvre de bienfaisance, son œuvre tout court, elle qui n’a pas enfanté autrement que par moi. Pourtant elle souffre ici, sur cette terre trop chaude et trop humide pour elle. Elle souffre de ces vêtements de son pays, inadaptés au mien. Mais il ne saurait en être autrement, ma mère a un rang à tenir, et le protocole est le protocole. Je ne m’habille pas comme elle, c’est ma liberté, je porte des punjabis, ces tuniques longues sur des pantalons bouffants. Mon ensemble préféré est d’un bleu soutenu brodé de fils dorés absolument magnifique. En tout cas je l’adore… et parfois des saris, ces longs tissus enroulés et plissés sur le corps…
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