Roman Immortelle-extrait du tome1 - Réincarnation

Immortelle Extrait du tome 1 – Page  128

 

Je n’ai pas le sentiment d’avoir choisi de naître dans cette famille, et je n’ai pas fait le choix de posséder des esclaves. Comment comprendre quand on est une petite fille, ce qui se joue chez les adultes. Mes yeux étaient grands ouverts sur le monde, sur ceux qui m’entouraient, toi ma nounou, mon univers, qui accours au moindre de mes pleurs, toi ma mère que je vois peu, et ce père souvent absent. On me colle sur tes genoux quand tu nous fais l’honneur de ta présence, pour te rappeler que j’existe, moi ta fille unique !

— Tu aimes ta nounou, petite chérie ? Quand tu seras grande, je te la donnerai.

— Oui Père, beaucoup, mais je ne comprenais pas ces mots…

Nounou pour moi, cela voulait dire douceur, amour, câlin, jeux, rire, attention. Nounou était mon monde, la presque totalité de ma vie. Mère et père ne voulaient presque rien dire. Il me la donnerait, comment fait-on cela ? C’est moi qui lui appartenais, moi, sa princesse chérie, sa petite reine, sa joie, son bonheur sur la terre. Je sens encore la douceur sur ma joue de ses seins généreux. Si je ne t’avais pas eue, je serais morte, oui morte de manque d’attention, morte de froid malgré la chaleur des tropiques, morte de honte. J’ai ouvert les yeux sur ton visage, j’ai senti tout de suite que je serai importante pour toi, ta petite chose si fragile, si menue.

— Occupez-vous-en, t’avait-on dit, madame se repose.

Je commençais à renifler, Nicolas me tendit un bout de tissu.

— Léa ? Si cela t’attriste, laisse là ce texte.

— Non, je veux bien connaître la suite, mais veux-tu bien me la lire, s’il te plaît.

Nicolas saisit le recueil et reprit :

— Occupez-vous-en, t’avait-on dit, madame se repose.

Et comme ça, par habitude, parce que tu étais là, tu es devenue ma nounou, et je n’ai plus voulu que toi pour me bercer, pour me changer, me câliner. Je hurlais ton nom quand ils voulaient t’arracher à moi pour une autre plus convenable à leur goût. Je pleurais tellement, je refusais de me nourrir et toujours tu revenais.

— Petite chérie, il te faut manger, nounou va te préparer un bon repas, viens avec moi à la cuisine.

Et je partais dans ses bras, la tête dans son cou, je ne bougeais plus, elle me posait sur la grande table, et me confectionnait un festin, avec tout ce que j’aimais, car elle savait tout de mes goûts.  Un jour, mes parents renoncèrent à me la changer, si celle-ci lui convient, eh bien, que cette enfant la garde. Je grandis, j’appris à lire et à écrire, je dévorais les livres que de grands bateaux ramenaient de la France ; c’est comme cela que s’appelle ce pays lointain que je ne connaissais pas, berceau de ma famille…